La saga Mechanism of the heart

The Void

par Alicia Garnier

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Un aperçu de l'histoire de Storm et Derek

Jour 9

 

Derek

 

 

Une journée de plus.

 

Je dois juste tenir une journée de plus. Je dois faire ça pour ma fille, Brooke. Il le faut. Je n’ai pas le droit de m’effondrer même si aujourd’hui, on a mis en terre la femme que j’aime, sa mère. Si Grace était encore là, elle voudrait que je reste ce roc inébranlable pour notre enfant, que je ne me laisse pas dépérir comme j’en crève pourtant d’envie. Alors, je n’ai pas vraiment le choix, je dois rester fort, pour notre petite fille. Toutefois la colère me ronge, silencieusement, mais d’une manière très pernicieuse.

Pourtant, en bon mari – ou devrais-je dire veuf –, je serre des mains depuis le début de la journée, hoche la tête quand il le faut, parle quand on attend de moi des remerciements pour le déplacement. Et je recommence encore et encore. Je suis en mode robot pour ne pas laisser éclater les ténèbres qui ont pris possession de moi. J’évite les miroirs depuis plus d’une semaine, mais il y a de grandes chances que je ressemble à un zombie. Sur ça au moins, je ne peux pas tricher ; le peu de sommeil que j’arrive à trouver se transforme rapidement en cauchemar, alors je préfère rester conscient. C’est plus prudent. Il faut dire que j’en ai marre de me réveiller en sursaut, les joues baignées de pleurs.

Cependant, pas une larme n’a coulé aujourd’hui, et je peux prétendre que tout va bien devant mon bébé. Ce ne sont que des sourires factices, certes, mais qui au moins ne la perturbent pas plus au vu de la tragédie que nous vivons. Je n’ai toujours pas trouvé les mots pour lui expliquer que sa maman ne reviendra pas. Qui a cette force? Surtout qu’il me faudra raconter toute l’histoire, encore et encore, quand elle posera la question en grandissant. C’est un putain d’enfer.

Mon Dieu.

De penser à Brooke m’empêche un instant de respirer. Comment est-ce que je vais pouvoir remplacer Grace dans sa vie? Lui apporter tout ce qu’elle avait prévu de lui transmettre? J’aurais beau me donner à dix mille pour cent, je ne suis pas sa maman. Grace l’est.

L’était.

Mon cœur se met à battre rapidement dans ma poitrine, et peu importe où je pose mon regard, mon salon est rempli de monde, je n’ai aucune échappatoire. Ma respiration s’accélère, je vois le regard inquiet de ma mère fixé sur moi. Et soudain, tout m’oppresse, il me semble même durant un instant que les murs se referment sur moi et vont finir par m’emprisonner. Définitivement. Comme Grace, je pense fugacement. Même si au fond de moi, je sais qu’ils sont là pour me soutenir, ou du moins pour me témoigner leur sollicitude avant de retourner au confort de leur petite vie bien tranquille…

Quelle hypocrisie, putain!

Personne ne m’a demandé ce dont j’avais envie, car j’aurais répondu sans hésiter : de calme. Juste le temps nécessaire pour me ressaisir. J’aurais pu souffler et renfiler mon armure ensuite. Mais non, je n’ai pas eu cette opportunité. Elle pèse si lourd aujourd’hui que j’ai besoin de déposer un genou à terre. Cependant, je n’en ai tout simplement pas le droit. C’est comme ça, je suis seul maintenant et quand on a ce rôle de père célibataire, il ne nous est plus permis de nous reposer.

Je m’excuse auprès de Mme Johnson, une voisine, pour aller m’isoler. Je me dirige dans un premier temps vers ma chambre, avant de changer d’avis et de bifurquer en direction du jardin, à l’arrière de la maison. À peine ai-je franchi la porte que l’air glacial de ce début janvier me percute de plein fouet. Je ne m’arrête pas pour autant et m’enfonce dans la neige, bousillant certainement mes chaussures, pour traverser l’espace jusqu’à une petite cabane en bois. Normalement, elle sert à ranger les outils d’entretien et à stocker les affaires d’été, mais plus depuis une semaine. Deux jours après la perte de Grace, j’ai tout foutu dehors pour vider la petite pièce. De base, j’avais besoin de faire quelque chose de mes dix doigts, je me disais que j’allais faire du tri et ranger ce dont on avait vraiment besoin. Mais tout est toujours dehors sous une épaisse couche de neige, probablement en train de moisir ou rouiller…

Les premiers jours, je me réfugiais dans cette cabane pour souffler un peu quand la pression se faisait trop forte pour moi. Puis petit à petit, j’y ai installé un fauteuil, une petite table et de quoi m’assommer chaque soir pour oublier ce que je traverse en ce moment. Je ne supporte plus d’être dans cette putain de baraque. Tout est trop rempli de souvenirs d’elle et même la présence de ma lumineuse petite fille ne contrebalance pas les ténèbres dans lesquels je suis plongé.

Et je me sens comme la pire des merdes de penser ça.

Pourtant, c’est ma vérité, je ne peux rien faire pour la changer.

Grace était le centre de mon univers. Malgré toutes nos disputes, je l’aimais du plus profond de mon âme. Les premiers jours après son décès, il m’est arrivé de la voir, emmitouflée dans sa robe de chambre bleue, préparant le café matinal. J’étais persuadé qu’elle était encore là et que tout ça n’était qu’une erreur, le cœur gonflé d’espoir et de soulagement. Mais il me suffisait de cligner des yeux ou de ne serait-ce que bouger d’un centimètre pour que l’illusion prenne fin.

Me laissant meurtri, les chairs à vif.

Alors, j’ai pris les choses en main, avec les moyens à ma disposition. J’ai remarqué que lorsque je buvais mon poids en alcool, le lendemain était difficile, mais au moins, pas de désillusion sur ma vie. Les hallucinations n’ont plus refait surface, alors je continue soir après soir, espérant tout à la fois que cela fonctionne pour ne pas avoir à affronter le retour à la réalité, et que cela échoue pour revoir son beau visage encore une seconde. Même si cela doit me détruire après coup. Je suis complètement bousillé.

Je me vautre dans le fauteuil qui émet un grincement plaintif en retour, ce qui me ferait presque sourire. Presque. Je me penche par-dessus le bras rembourré pour attraper la bouteille de téquila que je n’ai pas pu finir hier. Ce n’est pas faute d’avoir essayé, pourtant. J’ai à peine le temps de la débouchonner que la porte s’ouvre, faisant entrer une vague de froid et de flocons de neige. Pas besoin de lever la tête pour savoir de qui il s’agit.

— Sérieux? Tu comptes te mettre minable le jour de ses funérailles?

— Garrett, dégage, ce n’est pas le moment…

— Alors dis-moi, quand est-ce que tu seras prêt, Derek? Car pour le moment, dès que j’essaie de t’approcher, tu m’envoies bouler! Rectification, tu envoies tout le monde bouler!

Je claque la bouteille sur la table et me lève d’un bond. La pièce est petite, donc je suis rapidement face à mon jumeau. La colère déborde de ses yeux et je parie qu’il en va de même pour moi, car je dois serrer les poings le long de mes cuisses pour ne pas le foutre dehors à coups de pied au cul.

— Je viens d’enterrer Grace, la mère de ma fille et la femme de ma vie, donc tu m’excuseras si je n’ai pas envie de parler de la quantité d’alcool que j’ai ingurgité depuis neuf jours! je lâche, acerbe.

La surprise passe sur son visage, puis il recule d’un pas.

— Tu crois vraiment que je ne suis là que pour ça?

— Toi, les parents et Jessie n’avez que ça à la bouche, ces derniers jours. Si vous croyez que je ne vous entends pas, vous vous foutez le doigt dans l’œil!

— Bien sûr qu’on est inquiets pour toi! Comment ne pas l’être? Grace…

— Stop.

Je ne reconnais presque pas ma voix sur ce simple mot : elle est trop grave, éraillée. Et ça suffit à faire taire Garrett. Il reste là, la bouche légèrement ouverte, dans son costume noir, les cheveux ébouriffés d’y avoir trop souvent passé les mains. Depuis qu’il a rasé cette foutue barbe, on est de nouveau si semblables, à la différence près de la longue cicatrice qui lui parcourt la mâchoire gauche et qu’il est fiancé à la femme qu’il aime, alors que la mienne…

Sans que je puisse les retenir, des larmes brûlantes se déversent de mes yeux, et mon frère me prend dans ses bras dans la seconde qui suit. Son étreinte ne me laisse pas beaucoup d’espace, mais ça me convient ; je crains que s’il me lâche, je me disloque complètement. Que moi aussi, je disparaisse de la surface de la terre, comme Grace. En un clignement de paupières, je pourrais ne plus être là. C’est aussi ça, la réalité de la vie.

— Je te tiens. Vas-y. Je te tiens, murmure-t-il.

Et il tient parole.

Jour 233

 

Derek

 

 

Une journée de plus.

 

— D’un point de vue physique, Brooke grandit comme n’importe quelle petite fille de bientôt treize mois.

J’observe ma fille qui joue par terre avec des cubes de couleurs, et en effet, elle ressemble aux autres enfants de son âge. Elle a marché à dix mois, à ma plus grande frayeur ; finie la tranquillité de la poser à un endroit et de l’y retrouver. Non, maintenant, je suis encore plus sur le qui-vive, guettant la moindre chute. Elle veut se débrouiller toute seule pour beaucoup de choses, comme tenir sa cuillère pour manger par elle-même, ne jamais rester couchée dans la position dans laquelle je l’installe, ou encore m’arroser copieusement tous les soirs à l’heure du bain. Je fais beaucoup plus souvent laver mes costumes qu’avant, ça, c’est une certitude…

— Mais elle n’a pas encore parlé, j’insiste doucement en regardant toujours ma fille.

— En effet… Beaucoup d’enfants prennent le temps de se développer à leur rythme, ils ne peuvent pas tout faire d’un coup, grandir, marcher, apprendre de nouvelles compétences tous les jours. Tout ça lui demande déjà beaucoup d’énergie. Je suis sûre que tout va rentrer dans l’ordre d’ici quelques semaines, quelques mois dans le pire des cas.

Je plonge mon regard dans les yeux de la pédiatre qui suit ma fille depuis sa naissance. Colleen, une amie de Grace.

— Tu sais aussi bien que moi que ça pourrait être lié au traumatisme de la mort de sa mère.

Elle me scrute quelques instants avant de retirer ses lunettes et de croiser les mains sur le bureau devant elle.

— Effectivement, ça pourrait être lié, mais il n’y a que le temps qui nous le dira. Comme je te l’expliquais, physiquement, tout va bien. On a fait tous les tests et la surdité a été écartée. Brooke est une petite fille en parfaite santé, Derek. Il faut que tu lui fasses confiance pour le reste.

Le sourire qu’elle plaque sur ses lèvres me paraît faux, mais je n’ose pas le lui dire. Tout comme le fait que son conseil est débile. J’ai beau aimer ma fille et cela inclut un degré de confiance, je ne lui laisserais pas pour autant un couteau de cuisine entre les mains. Il faut à un moment donné arrêter avec les phrases à deux balles qui infantilisent les parents inquiets. Je ne parlerais pas de sixième sens, car je ne crois pas à ces conneries, mais je sens qu’il se passe un truc pas normal avec Brooke. Cependant, c’est une doctoresse, elle me le dirait si la santé de ma fille était vraiment en danger, c’est littéralement le b.a.-ba de son job.

Alors, j’enfouis une fois de plus l’angoisse qui grandit en moi. Toutes les cellules de mon corps me crient que Brooke ne prend pas son temps pour parler, que c’est bel et bien lié à la disparition brutale de sa mère. J’ai fait ce que j’ai pu pour la protéger, avec les moyens du bord certains jours, et je sais que je n’ai pas été parfait, que je ne le suis certainement pas encore. Mais on se débrouille comme on peut tous les deux, on forme une sacrée équipe. Brooke est d’une patience d’ange avec moi, et le fait que l’on partage uniquement des silences a renforcé ce lien entre nous.

Comme si elle pouvait entendre mes pensées, ma fille se retourne pour me regarder et m’offrir le sourire le plus adorable qu’elle a en réserve. L’émotion qui s’empare de moi ne me surprend plus. À chaque échange avec elle, je me rends compte de la chance que j’ai de l’avoir dans ma vie. Sans elle, je ne sais pas ce que je serais devenu… Et même si mon quotidien est sombre et triste, elle me permet de m’accrocher un jour de plus.

— Derek?

Je sursaute en entendant mon prénom, avant de faire de nouveau face à Colleen.

— Pardon, j’étais dans mes pensées.

— J’ai cru voir, rigole-t-elle, avant de poursuivre. Je te disais qu’on va fixer un rendez-vous pour dans trois mois et on verra comment les choses auront évolué d’ici là.

— D’accord.

Mécaniquement, je sors mon agenda papier et note avec précaution le rendez-vous. Tout le reste est écrit à la va-vite dedans, mais ce qui concerne Brooke est bien net, je ne veux rien oublier. Alors que je m’apprête à partir, Colleen se racle la gorge et me pose la question que je redoute le plus :

— Comment vas-tu, Derek?

Qu’est-ce que je suis censé répondre à ça? C’est vrai, on pourrait croire que c’est une question simple, mais si je devais m’exprimer honnêtement, les gens seraient horrifiés. J’ai remarqué que peu de personnes veulent vraiment entendre la réponse à cette question, ils veulent juste se dire «j’ai fait mon taf, j’ai demandé».

Je m’imagine un instant ce que je pourrais réellement lui confesser. «Je me sens comme la plus grosse des merdes. Ma fille ne parle pas, je suis une catastrophe ambulante au travail, ma maison est un dépotoir, et je picole à m’en bousiller le foie tous les jours. Mais tout roule, sinon!»

Je sais que cela me ferait du bien, mais je le regretterais aussitôt, surtout avec Colleen qui pourrait alerter les services sociaux. Alors, je lui sers un sourire de façade et lui sors la réponse qu’elle veut entendre, au fond.

— Ça va, merci.

Dix minutes plus tard, je marche en direction de la voiture en tenant Brooke par la main. Autant dire que notre vitesse de progression est relativement lente, mais le soleil de ce mois d’août nous fait du bien, alors cela ne me dérange pas de prendre mon temps. Lorsqu’on arrive à côté de notre véhicule, de sa petite main qu’elle ferme et rouvre sans arrêt, elle me signale qu’elle veut appuyer elle-même sur les clés pour l’ouvrir.

— Oui, petite impatiente, laisse-moi les attraper, je lui dis avant de m’accroupir pour lui tendre mon trousseau.

La lueur que je vois dans ses beaux yeux verts quand elle l’aperçoit, ce qui indique donc que j’ai compris sa demande silencieuse, me fait l’aimer un peu plus fort. Comme je le disais, on se débrouille, nous deux.

— Allez, ma sauvage, appuie que je puisse t’installer sur ton trône avant que tu ne prennes un coup de soleil.

Avec un sourire, elle s’acquitte de sa tâche, et c’est en rigolant que je l’attache à l’arrière, puis lui vole un bisou. En réponse, elle attrape mon visage de ses petites mains et me fixe intensément, sans un mot ou même un babillement. Cela me demande une force surhumaine de m’éloigner d’elle, et c’est le cœur lourd que je contourne la voiture.

J’ai besoin de prendre plusieurs grandes inspirations avant de trouver le courage de m’asseoir à mon tour et de démarrer. Au bout de plusieurs kilomètres, je jette un coup d’œil dans le rétroviseur et comme je m’y attends, ma fille m’y fixe.

Comme si elle avait peur que je disparaisse à mon tour.

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" « Can’t help falling in love » est bien plus qu’une histoire ! C’est une réalité aussi belle et déchirante soit-elle. Elle t’apprend que rien ne se passe vraiment comme on l’imagine et que deux personnes écorchées par la vie ne se réparent pas en un claquement de doigt "

lesmondesdecassiopee

avis cant help falling in love blogdelyosa

" Can't Help Falling In Love, c'est le genre de roman qui fait saigner votre cœur pour après y déposer un pansement dessus, mais qui n'est pas suffisant puisqu'il vous laisse, à vie, des séquelles. C'est exactement ça, ce roman marque son lecteur. En tout cas, il nous a marquées, nous."

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par Lili Bouquine

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